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« L’approche centralisée ignore les singularités locales et empêche de tirer parti de notre potentiel de situation »

Entretien avec Brigitte Barèges Députée de Tarn-et-Garonne, conseillère municipale de la ville de Montauban, conseillère communautaire

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Pouvoirs Locaux : La ville de Montauban est proche de Toulouse, une métropole dynamique. Comment positionnez-vous Montauban en termes de développement territorial et d’attractivité, notamment face ou à côté de la métropole toulousaine ?

Brigitte Barèges : Dès mon premier mandat de député, j’ai participé à la rédaction d’un rapport intitulé Les villes moyennes à l’ombre des métropoles. Ce travail m’a permis de visiter de nombreux territoires et de constater une réalité : les villes moyennes doivent se réinventer pour ne pas se limiter à être des périphéries des grandes métropoles. J’ai alors pris conscience que Montauban ne devait pas devenir une ville-dortoir de Toulouse, ni même une ville vassale.

Nous avons mis en place une stratégie claire pour valoriser notre territoire et renforcer son autonomie économique. Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plusieurs milliers de personnes viennent quotidiennement travailler à Montauban depuis Toulouse, et un nombre équivalent fait le trajet inverse. Cela témoigne d’une attractivité équilibrée et d’une dynamique économique remarquable. Avec plus de 8 000 entreprises implantées et 42 000 emplois créés sur notre territoire, nous avons su développer un écosystème local favorable à l’emploi et à l’innovation.

Un autre exemple est notre opinion réservée sur notre participation au « dialogue métropolitain » proposé par Toulouse, qui rassemblait des villes proches dans un périmètre de 100 km. Ce projet, à nos yeux, était davantage un outil de communication politique qu’une véritable stratégie collaborative. En préférant investir dans notre propre développement, nous avons préservé notre indépendance tout en collaborant de manière ciblée et constructive avec d’autres territoires lorsque cela faisait sens.

Pouvoirs Locaux : En matière de sécurité publique, ­Montauban est l’une des premières villes de France où la police municipale a été armée dès 2002. Pouvez-vous nous expliquer l’impact de cette décision et vos initiatives actuelles pour lutter contre l’insécurité ?

Brigitte Barèges : La sécurité, dans une ville comme ­Montauban, repose sur une synergie entre les acteurs locaux et nationaux. En 2002, l’armement de la police municipale a été une décision pionnière, qui traduisait notre volonté d’adopter une posture proactive face à l’évolution de la délinquance. Cette mesure a été accompagnée de l’installation de dispositifs de vidéosurveillance en 2006, désormais étendus à l’ensemble des zones sensibles de la ville. Ces initiatives locales ont marqué un tournant, mais elles ne suffisent pas à elles seules.

La collaboration avec le maximum d’acteurs est un élément central de notre stratégie sécuritaire. Les trafics qui prolifèrent, qu’il s’agisse de stupéfiants ou d’autres marchandises illégales, ont des répercussions directes sur notre territoire. Face à cette réalité, nous avons renforcé notre coopération avec l’administration pénitentiaire, le parquet et les forces de l’ordre nationales, notamment la police judiciaire, les Douanes, la Police Aux Frontières et quelques fois la Gendarmerie Nationale.

En collaboration, nous avons travaillé sur des solutions technologiques pour réduire le survol des prisons par des drones, comme l’installation de filets anti-intrusion et de dispositifs de détection. Ces mesures, bien que coûteuses, sont indispensables. Cependant, les trafiquants redoublent d’inventivité : ils utilisent des techniques comme les balles de tennis ou les cannes à pêche pour introduire des produits illicites dans les établissements pénitentiaires. Face à ces défis, la coopération est essentielle.

Nous avons également mis en place des partenariats réguliers avec le procureur pour traiter efficacement les affaires liées au narcotrafic. Des réunions mensuelles permettent de coordonner les actions entre le Préfet, le Procureur et les forces de sécurité. Ces échanges sont précieux pour anticiper et échanger sur les bonnes pratiques.

En parallèle, notre coopération avec les établissements scolaires s’inscrit dans une stratégie de prévention. Dès 2001 nous avons déployé des médiateurs autour des collèges pour protéger les jeunes des réseaux criminels. Ces médiateurs sont formés en partenariat avec des associations locales et des spécialistes de la prévention de la délinquance. L’objectif est de détecter rapidement les comportements à risque et d’intervenir avant qu’un jeune ne bascule dans des activités illégales.

Enfin, au niveau national, nous plaidons pour un renforcement des moyens dédiés à la lutte contre le blanchiment d’argent. Il est essentiel de s’attaquer non seulement aux trafiquants eux-mêmes, mais aussi à leurs ressources économiques. La coopération avec Tracfin, l’organisme en charge de la lutte contre les flux financiers illicites, est ici primordiale. En ciblant les avoirs des réseaux, nous pouvons les affaiblir durablement, ce qui bénéficie directement à la sécurité de nos territoires.

Ce maillage d’actions locales et nationales, allié à une collaboration étroite entre institutions, est la clé pour maintenir la sécurité et lutter efficacement contre les trafics qui touchent aussi bien les prisons que nos territoires.

Pouvoirs Locaux : Est-ce que la mise en place du « permis de louer » est une autre facette de lutter contre des violences d’une autre nature ?

Brigitte Barèges : Le permis de louer est un dispositif essentiel pour lutter contre l’habitat indigne. À Montauban, nous avons identifié des zones où des propriétaires louaient des logements insalubres à des prix exorbitants, souvent à des personnes en situation précaire, comme des migrants. Lors d’un contrôle, nous avons découvert un appartement T2 où 20 personnes dormaient sur des matelas alignés, dans des conditions déplorables. Ces personnes étaient non seulement exploitées sur le plan du logement, mais aussi au travail, par des employeurs indélicats profitant de leur situation irrégulière.

Grâce au permis de louer, chaque logement doit être inspecté avant sa mise en location. Cela nous permet de détecter rapidement les situations abusives et d’agir en conséquence, notamment en engageant des poursuites contre les propriétaires ou agences concernés. Nous avons même obtenu des condamnations en correctionnelle pour des marchands de sommeil récidivistes et une agence immobilière peu scrupuleuse.

Ce dispositif a également un impact préventif : les propriétaires savent qu’ils seront contrôlés et sont donc incités à respecter les normes qui assurent la sécurité et le confort de leurs locataires. Le permis de louer est un exemple concret de mesure locale efficace et généralisable à d’autres territoires confrontés aux mêmes problématiques.

Pouvoirs Locaux : Vous pointez régulièrement le manque de liberté des collectivités. Quelles compétences aimeriez-vous voir transférées aux communes ?

Brigitte Barèges : La décentralisation telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui est inachevée. Les communes restent entravées par un millefeuille administratif qui ralentit les décisions et complexifie l’action locale. Prenez l’exemple des commerces : un maire n’a pas la compétence d’autoriser l’ouverture ou la fermeture d’une épicerie de nuit même lorsqu’elle génère des troubles à l’ordre public. Cette décision revient au préfet, ce qui est à la fois inefficace et frustrant pour les élus locaux, qui connaissent pourtant mieux les besoins de leurs territoires.

Un autre exemple est celui de l’enseignement supérieur. À Montauban, nous avons l’ambition de développer un véritable campus universitaire pour attirer des étudiants et renforcer notre économie locale. Bien que nous ayons pris des mesures pour accueillir des antennes universitaires, comme un STAPS dans notre Centre d’Excellence Sportive, nous sommes confrontés à des blocages au niveau régional. Ces retards, souvent liés à des enjeux politiques, freinent des projets qui bénéficieraient pourtant à toute la population locale.

Je pense qu’il est temps de réorganiser les compétences entre l’État, les régions, les départements et les communes pour donner aux collectivités la liberté d’agir efficacement. Les maires doivent pouvoir adapter les règles à leurs territoires sans être constamment freinés par des normes uniformes décidées à Paris.

Pouvoirs Locaux : Si l’on aborde la transition écologique, quelles sont, selon vous, les limites du cadre législatif actuel, notamment avec le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), et comment ces contraintes influencent-elles la gestion du foncier ?

Brigitte Barèges : La transition écologique est un impératif que personne ne conteste, mais les outils législatifs déployés, notamment le ZAN dans le cadre de la loi Climat et Résilience, posent de nombreux défis pour des villes comme Montauban. Le principe du ZAN, qui vise à réduire de moitié la consommation foncière d’ici 2030 avant de parvenir à zéro artificialisation nette, semble admirable en théorie, mais se heurte à des réalités territoriales complexes.

À Montauban, où nous avons mené de vastes opérations de rénovation urbaine dans les années 2004, ces contraintes législatives entrent en contradiction avec nos dynamiques locales. Nous avons grâce à l’ANRU, détruit des tours HLM obsolètes de 10 à 15 étages pour répondre aux attentes des habitants, qui privilégient des logements individuels ou de petite hauteur, mieux adaptés à la qualité de vie que nous souhaitons offrir. Aujourd’hui, avec le ZAN, on nous impose de densifier à nouveau en hauteur pour limiter la consommation horizontale de foncier, ce qui est à l’opposé des attentes de nos concitoyens et ne se justifie pas en province.

Le ZAN génère également une concurrence entre les usages du foncier. Nous devons construire davantage de logements sociaux, tout en répondant aux besoins d’équipements publics et de projets économiques, comme l’installation de nouvelles entreprises. Cette injonction paradoxale place les élus locaux dans une situation intenable. Comment répondre à ces exigences tout en respectant les aspirations des habitants à des espaces de vie agréables ?

Par ailleurs, Montauban se situe dans une zone en forte croissance démographique. Avec l’augmentation de la population, les besoins en logements, en infrastructures scolaires et sportives, ainsi qu’en espaces verts, augmentent mécaniquement. Les restrictions imposées par le ZAN rendent ces aménagements plus coûteux et plus complexes à planifier, voire impossibles !

Un autre problème fondamental réside dans l’uniformité des règles. Les contraintes du ZAN, conçues pour des métropoles déjà saturées, sont appliquées de manière identique à des territoires comme le nôtre, où la pression foncière est bien moindre et où des espaces disponibles existent encore. L’approche centralisée ignore les singularités locales et empêche de tirer parti de notre potentiel de situation, alors même que Montauban pourrait être un modèle de transition harmonieuse entre développement urbain et préservation de l’environnement.

Face à ces défis, j’estime que l’État doit revoir sa copie. Nous avons besoin d’une application plus souple et différenciée des règles du ZAN. Par exemple, il serait pertinent de distinguer les territoires ruraux et périurbains des zones fortement urbanisées, en adaptant les objectifs en fonction des réalités locales. De plus, des compensations financières devraient être prévues pour aider les collectivités à réhabiliter les friches industrielles ou urbaines, qui représentent un levier clé pour limiter l’artificialisation tout en répondant aux besoins de développement.

Enfin, la transition écologique ne peut se faire sans une vraie concertation avec les élus locaux. Nous avons une connaissance fine des besoins de nos territoires et des aspirations des habitants. Plutôt que de nous imposer des normes rigides, il serait plus efficace d’impliquer les collectivités dans la définition des objectifs et des moyens pour y parvenir. Cela permettrait de concilier les ambitions écologiques nationales avec les réalités locales, et d’éviter les blocages qui freinent aujourd’hui les projets.

Pouvoirs Locaux : Restons un instant sur la transition écologique, vous menez avec le groupe Suez une initiative assez unique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Brigitte Barèges : Absolument. Le Grand Montauban Communauté d’Agglomération (GMCA), en partenariat avec SUEZ, a mis en œuvre un projet inédit en France : le Contrat de Performance Déchets Ménagers et Assimilés (CPDMA). Signé en 2022 pour une durée de 7 ans et soutenu par l’ADEME, ce contrat va bien au-delà de la simple gestion des déchets. Il vise à transformer en profondeur notre manière d’aborder la prévention, la collecte et la valorisation des déchets tout en dynamisant l’économie locale et en préservant l’environnement.

Depuis sa mise en œuvre, le CPDMA a permis d’obtenir des résultats significatifs. Nous avons constaté une réduction de 31 % des encombrants collectés, une diminution de 17 % des déchets verts, une baisse de 7 % des ordures ménagères résiduelles et une réduction de % de la collecte sélective des emballages. Ces résultats ont été rendus possibles grâce à des initiatives comme le broyage des déchets verts à domicile, la distribution de composteurs, la collecte des encombrants sur rendez-vous et le développement de filières de réemploi. Un bilan effectué deux ans après le lancement a confirmé la poursuite de ces tendances positives, avec des progrès constants en matière de sensibilisation des citoyens et d’optimisation des processus de valorisation.

Mais ce contrat va bien au-delà de la réduction des volumes de déchets. Il s’inscrit dans une stratégie de transformation durable du territoire, en s’appuyant sur des objectifs précis et ambitieux. Par exemple, nous visons une réduction de 10 % de la production totale des déchets sur le territoire entre 2018 et 2028, avec des efforts ciblés sur les encombrants (-35 %), les déchets verts (-15 %), les déchets ménagers résiduels (-12 %) et la collecte sélective des emballages (-2 %). Nous avons également lancé un projet de création d’une nouvelle déchetterie au nord de la ville, adossée à une recyclerie et cofinancée par l’ADEME. Cet équipement a pour vocation de favoriser le réemploi des matériaux et de limiter les déchets envoyés en centre d’enfouissement.

Pouvoirs Locaux : Cette initiative est-elle en lien avec le secteur économique et de l’emploi local ?

Brigitte Barèges : Oui. En parallèle, ce contrat stimule une véritable dynamique entrepreneuriale. En collaboration avec la pépinière d’entreprises de l’agglomération du Grand Montauban et la direction du service économique, nous avons créé un incubateur pour accompagner individuellement les porteurs de projets innovants, notamment dans le domaine de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Ces projets permettent de valoriser les matières issues du recyclage et d’encourager les circuits courts, tout en renforçant l’entrepreneuriat local. Cette initiative contribue à la fois à l’innovation économique et à la création d’emplois durables.

Enfin, le CPDMA favorise l’insertion professionnelle grâce à un partenariat étroit avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) et SUEZ. Ensemble, nous travaillons à la création d’emplois locaux dans les secteurs du recyclage et de la gestion des déchetteries, tout en offrant des opportunités aux personnes éloignées de l’emploi. Ces actions s’inscrivent dans une ambition plus large de préservation de l’environnement et d’amélioration de la qualité de vie pour les habitants du Grand Montauban.

Le CPDMA est ainsi bien plus qu’un contrat technique ; c’est un modèle de gestion intégrée et innovante qui dépasse le cadre traditionnel de la gestion des déchets. Il transforme la manière dont nous percevons et gérons nos ressources tout en générant des retombées économiques, sociales et environnementales positives. En s’appuyant sur ces initiatives, Montauban se positionne comme un référent national en matière de développement durable et montre qu’il est possible de concilier croissance économique, innovation et préservation de l’environnement pour le bénéfice de tous.

Pouvoirs Locaux : La suppression de la taxe d’habitation a suscité de vives critiques de la part des maires. Quels enseignements tirez-vous de cette réforme ?

Brigitte Barèges : La suppression de la taxe d’habitation est une réforme profondément injuste, à la fois pour les collectivités locales et pour les contribuables. Ses conséquences vont bien au-delà d’une simple réforme fiscale : elle a détruit des principes fondamentaux de gestion locale tout en induisant en erreur les citoyens sur la réalité de leur fiscalité.

Pour bien comprendre l’ampleur du problème, revenons sur les faits. Avant la réforme, en 2020, la ville de ­Montauban percevait un total de 36 millions d’euros grâce à deux taxes : 12,1 millions d’euros provenant de la taxe d’habitation et 23,9 millions d’euros issus de la taxe foncière. Avec la suppression de la taxe d’habitation en 2021, la réforme prévoyait une « compensation à l’euro près » en transférant le taux départemental de la taxe foncière, qui était particulièrement élevé (le 6e taux le plus haut de France), à la commune. Cela a porté le taux global de la taxe foncière à 61,93 %.

Mais en réalité, cette « compensation » est une illusion. Bien que le taux affiché sur les feuilles d’imposition des contribuables laisse croire que Montauban perçoit directement les 61,93 %, la vérité est tout autre. Plus de 20 % de ce produit fiscal, soit plus de 11,5 millions d’euros en 2024, sont prélevés directement à la source par l’État. Autrement dit, sur chaque euro payé par les Montalbanais au titre de la taxe foncière, une part importante ne va pas au budget de la commune mais directement dans les caisses de l’État.

Ce mécanisme n’est écrit nulle part sur les feuilles d’imposition. Les contribuables pensent donc que leur commune perçoit la totalité de l’impôt correspondant au taux affiché, ce qui est totalement faux. Cela pose un problème majeur de transparence fiscale et de démocratie. Quand l’impôt devient opaque, quand le lien entre ce que paient les citoyens et ce que perçoit réellement leur collectivité est rompu, c’est toute la confiance dans l’administration publique qui est mise en danger.

Au-delà de l’opacité, cette réforme est une atteinte directe à l’autonomie fiscale des collectivités locales. En supprimant la taxe d’habitation, l’État a non seulement supprimé un lien direct entre l’habitant et son territoire, mais il a aussi mis à mal le principe de libre administration des collectivités, pourtant inscrit dans la Constitution. Aujourd’hui, Montauban, comme tant d’autres villes, se retrouve à dépendre d’un mécanisme de compensation figé, qui ne tient aucunement compte de l’évolution des besoins locaux ou de la croissance de la population.

Ce qui rend cette réforme encore plus choquante, c’est son asymétrie. Lorsque le mécanisme de compensation est défavorable à une collectivité, l’État ne manque pas de compenser « à l’euro près ». En revanche, quand ce mécanisme produit un surplus, comme cela a été le cas pour Montauban en 2021 avec un produit de taxe foncière supérieur à la perte de la taxe d’habitation, l’État récupère immédiatement la différence. Plus de 10 millions d’euros ont ainsi été prélevés dès 2021, et ce montant continue d’augmenter chaque année. Cela représente une perte énorme pour notre budget, qui aurait pu financer des écoles, des infrastructures sportives, ou des projets culturels essentiels pour notre territoire.

En conclusion, cette réforme est attaquable sur plusieurs fronts : elle est néfaste pour les collectivités locales, elle réduit leur capacité d’action et elle est mensongère pour les contribuables. Elle illustre une centralisation rampante qui prive les communes de leur autonomie et affaiblit leur lien avec les citoyens. Et au-delà de son impact financier, elle soulève une question fondamentale : comment maintenir la confiance des citoyens lorsque l’impôt qu’ils paient n’est ni clair, ni lisible, ni compréhensible et qu’il est surtout injuste dans la mesure où seul les propriétaires le financent ?

Pouvoirs Locaux : Vous avez mentionné le développement d’un campus universitaire à Montauban. Pourquoi ce projet est-il stratégique, et quels obstacles rencontrez-vous pour le concrétiser ?

Brigitte Barèges : L’enseignement supérieur est un levier incontournable pour l’attractivité et le développement d’une ville. Historiquement, notre territoire a souffert d’un déficit en matière d’offre universitaire, ce qui a poussé des générations de jeunes à quitter la ville pour leurs études, souvent sans revenir. Ce phénomène n’est pas seulement un problème démographique, mais aussi économique, car il prive Montauban de talents locaux qui pourraient contribuer à la dynamique de notre territoire.

Pour répondre à cette problématique, nous avons élaboré un projet ambitieux : créer un campus universitaire de qualité, capable d’attirer et de retenir les étudiants tout en répondant aux besoins des entreprises locales. Une première étape a été franchie avec le projet d’installation d’une antenne de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) dans notre Centre d’Excellence Sportive. Ce projet, qui a nécessité des investissements importants en infrastructures, illustre notre engagement à construire une offre adaptée aux attentes des étudiants et aux spécificités locales.

Cependant, les blocages administratifs freinent considérablement notre progression. Bien que l’agglomération de Montauban ait validé la compétence en matière d’enseignement supérieur avec l’accord du préfet, la présidente de région refuse toujours de convoquer la CTAP (conférence territoriale de l’action publique) nécessaire pour entériner cette décision. Ce refus, motivé par des considérations politiques plus que par des arguments rationnels, est un véritable frein au développement de ce projet.

Cette situation est d’autant plus frustrante que les locaux nécessaires pour accueillir ces étudiants sont prêts et opérationnels. Par exemple, nous avons contractualisé avec le CROUS pour construire 100 logements étudiants à proximité immédiate du Centre d’Excellence Sportive. Tout est en place pour démarrer, mais l’absence de soutien au niveau régional ralentit la concrétisation de nos ambitions.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que le développement de l’enseignement supérieur à Montauban ne bénéficie pas du même soutien que dans d’autres territoires. Toulouse concentre l’essentiel des investissements régionaux, ce qui nous oblige à nous battre constamment pour obtenir les moyens nécessaires. Nous ne demandons pas de privilèges, mais simplement une reconnaissance équitable de nos besoins et de notre potentiel.

Malgré ces obstacles, nous continuons d’avancer. Notre objectif est de diversifier les filières proposées, notamment en développant des partenariats avec des écoles spécialisées et des entreprises locales. L’idée est de construire un écosystème où les étudiants, les chercheurs et les entrepreneurs peuvent collaborer pour innover et créer des opportunités économiques.

Une ville qui investit dans l’enseignement supérieure n’investit pas seulement dans son avenir économique, mais aussi dans sa capacité à attirer des talents, à développer une vie culturelle et à renforcer son identité. Nous ne baisserons pas les bras face aux blocages et continuerons à défendre ce projet essentiel pour le futur de notre territoire.

Pouvoirs Locaux : Montauban se définit comme une «place forte du divertissement» en accueillant depuis quelques semaines un événement unique en France : l’expérience de la Forêt Interdite, liée à la célèbre saga Harry Potter. À quels défis et objectifs répond cette initiative, qui s’inscrit dans les nombreux rendez-vous qui rythment l’année culturelle montalbanaise ?

Brigitte Barèges : Le divertissement est devenu une véritable source d’attractivité pour les collectivités territoriales. Loin d’être de simples initiatives culturelles, ces événements répondent à plusieurs objectifs stratégiques : dynamiser l’économie locale, renforcer l’image de marque de la ville, et consolider son rayonnement au-delà de ses frontières.

L’événementiel, en particulier lorsqu’il s’inscrit dans le registre du divertissement familial ou culturel, est aujourd’hui un levier économique majeur pour les villes moyennes comme Montauban. Regardez des exemples tels que Garorock à Marmande, le Puy du Fou, les Francofolies de La Rochelle ou encore les marchés de Noël de Strasbourg : ces initiatives génèrent des retombées économiques importantes. À Montauban, des événements tels que le Festival des Lanternes (en 2022 et 2023) ou l’expérience immersive de la Forêt Interdite génèrent des flux et de la croissance pour l’hôtellerie, la restauration et aussi les commerces. Ils mobilisent également tout un écosystème économique. Chaque euro investi par la ville génère un retour sur investissement pouvant atteindre 3 à 4 euros. Ces retombées financières directes et indirectes en font des événements incontournables pour le développement économique de la cité.

Mais l’impact ne s’arrête pas là. Ces initiatives participent également au rayonnement culturel et touristique. En attirant plusieurs centaines de milliers de visiteurs, elles mettent en lumière le patrimoine unique de notre ville : son musée, ses places emblématiques, et son héritage architectural. À travers ces événements, Montauban devient une vitrine régionale et nationale, renforçant son attractivité et son identité dans un paysage concurrentiel où chaque ville cherche à se démarquer.

Enfin, l’aspect touristique est crucial. Ces événements permettent de capter un public souvent éloigné de Montauban, qui découvre à cette occasion la ville et sa région. Ce sont des séjours prolongés, des taxes de séjour collectées, et des visiteurs qui reviennent pour explorer davantage. « L’expérience de la Forêt Interdite », en particulier, répond à une demande croissante de divertissements immersifs et culturels, tout en attirant les fans d’une saga mondialement connue.

Avec plus de 350 événements organisés chaque année, Montauban s’impose désormais comme une véritable place forte du divertissement. Ces initiatives ne sont pas seulement des moments de partage et d’émerveillement pour les habitants, mais aussi des moteurs concrets pour l’économie locale et des outils stratégiques pour le rayonnement de notre ville.